Indomptables.

Auteur : Cecily Von Ziegesar
Editeur : Michel Lafon
Parution : Avril 2016
Pages : 384


RESUME :


Issue de la jeunesse dorée new-yorkaise, Merritt, 16 ans, a tout ce qu’elle veut, tout de suite.
Sauf ses examens…
Pour la remettre sur le droit chemin, ses parents l’envoient dans un centre équestre spécialisé pour adolescentes tourmentées.
Là-bas, elle fait la connaissance de Red, un cheval aussi rebelle qu’elle, et de l’insaisissable Béatrice.
Ces deux rencontres vont faire basculer sa vie.
Mais pas forcément dans le sens qu’espéraient ses parents…
Car Merritt est comme Red : indomptable.

CHRONIQUE :

(22 Mai 2016)


"Indomptables" est un roman qui parle d'adolescentes à problèmes, mais aussi de chevaux (à problèmes également). Alors, baignant dans le cheval depuis toute jeune, je ne pouvais résister à la tentation. 

Bon, je dois quand même noter que la phrase de 4eme de Sara Shepherd me laisse un peu perplexe : dépassé Black Beauty ? C'est impossible, rien ni personne ne pourra détrôner ce somptueux livre de ma jeunesse, d'autant que l'on ne traite pas, au final, du même sujet. Black Beauty raconte uniquement l'histoire d'un cheval, tout au long de sa vie. En revanche il est vrai que nous retrouvons un certain point commun, puisque dans ce roman aussi, c'est le cheval qui "parle".
En revanche qualifier le monde du cheval d'élitiste et tumultueux... Qu'elle aille donc faire un tour dans les élevages et voir à quel point palefreniers et cavaliers triment... Et on en reparle. 

Après, il est vrai qu'ici, l'auteur met en scène des adolescentes issues de familles élitistes : Béatrice par exemple, est la fille d'un de Rothschild, famille richissime et propriétaire de chevaux de course et de selle, de vignobles, de châteaux et autres florissantes affaires. A savoir d'ailleurs que la famille De Rothschild existe réellement, avec toutes les possessions citées, et je ne suis pas sûre, au passage, que choisir comme personnage une adolescente difficile, venant d'une famille du monde réel soit pertinent mais bon... Passons. 

Nous découvrons Red dès les premières pages, et, même si je pense que certains lecteurs seront déroutés à l'idée qu'un cheval soit narrateur, j'ai immédiatement accroché. Ayant moi-même des chevaux, je peux vous dire que je passe mon temps à essayer de les comprendre et me faire comprendre d'eux et passe donc mon temps à m'imaginer ce qu'ils ont en tête. Le voir écrit dans un roman est totalement jouissif, même si, au fur et à mesure de l'avancement de la lecture, cela va trop loin. En revanche avoir la description de ses sensations sous les sabots, dans sa bouche, sa façon de voir le monde (les chevaux voit à 357°) est très addictif. Je pense qu'il peut séduire des novices du monde de l'équitation de la même manière. 

Red est immédiatement attachant. C'est un rebelle, une forte tête. Pourtant, il ne semble pas avoir été maltraité et a plutôt eu une jeunesse dorée dans une écurie de luxe. Mais Red s'en fiche, c'est un battant et il n'aime personne. Ou presque. Comme je le disais, un chapitre sur deux est de son point de vue. C'est comme cela qu'on apprend à quel point il s'attache à Merritt. A en devenir d'une jalousie maladive. Alors voilà un point extrêmement peu crédible dans ce roman : Red s'exprime ok, mais il comprend aussi toutes les paroles humaines et se comporte envers Merritt comme s'il en était amoureux... C'est je pense trop poussé. Et je comprendrais que ça puisse ne pas passer avec certains lecteurs. Après, j'ai pris le parti d'accepter que l'auteur humanise ce cheval à outrance, et du coup, cela n'a pas gâché ma lecture. Simplement, je pense qu'il n'était pas nécessaire de donner à Red un comportement et des sentiments humains (la possessivité) pour rendre son personnage hyper attachant. Cette humanisation est à la fois dérangeante et touchante. Drôle de sentiment. 

"- Bon cheval... chuchota-t-elle encore.
Elle aurait pu me le répéter toute la journée et toute la nuit, je ne me serais jamais lassé de l'entendre. L'amour est une drogue."                 [Red]
 

Puis nous faisons la connaissance de Merritt. Même constat que pour Red, je me suis immédiatement attachée à cette adolescente de 16 ans. La jeune fille est devenue rebelle et ingérable suite à un traumatisme et sa façon d'agir n'est au final qu'un moyen de protection. Elle n'est pas une tête à claques, loin s'en faut, et on ne peut que comprendre et excuser son comportement (d'autant que même rebelle, elle ne manque pas de respect aux gens, elle a plutôt une tendance certaine a l'autodestruction). 

Béatrice en revanche... Les débuts ont été très durs. La fille de Rothschild est une peste en puissance et son animosité envers Red m'a immédiatement énervée : si tu en veux à la terre entière, il y a fort à parier que c'est à cause d'humains, alors pourquoi s'acharner à insulter un pauvre cheval ? La jeune fille issue de la jeunesse dorée est capricieuse et insolente. Contrairement à Merritt qui est perdue et ne cherche qu'à se protéger, Béatrice cherche vraiment à foutre la merde partout où elle passe, pour le plaisir, se servant de son nom de famille comme d'une menace... Agaçant. Pourtant, au fil du temps, elle s'ouvrira un peu et j'ai fini par accepter ce personnage et m'y attacher même si ça n'a jamais été le grand amour. Mais on finit par se rendre compte que son sarcasme sert à cacher une profonde détresse, et que Béatrice est bien plus paumée que l'on ne l'imagine au premier abord. 

"Merritt fixait le sol. Elle était quand même différente, cette fille. Étrange. Comme blessée par la vie, mais pas pourrie ou dépravée comme comme Béatrice. Ou moi."       [Red] 

Et puis, le dernier personnage qui mérite d'être mentionné est Carvin. Carvin est le cavalier qui monte avec Merritt, et le garçon est assez difficile à cerner. Plus l'ouvrage passait, plus je me rendais compte que ce personnage était intéressant, je ne vous dirai pas dans quel sens, mais l'auteur a laissé planer une bonne part de mystère sur lui pendant un long moment... 

L'histoire est réellement poignante et il y a eu plusieurs passages où j'avais les larmes aux yeux, d'émotion. On ne s'ennuie jamais, et pour tout dire, il est très difficile de lâcher ce livre. Je devais me forcer, vers trois heures du matin, pour arrêter ma lecture. L'espace d'un moment, j'ai eu peur que l'auteur ne s'embarque dans une direction trop prévisible qui aurait amené une situation trop rencontrée dans les livres YA. Mais non, elle a fait prendre un sacré tournant à son histoire, un tournant auquel je ne m'attendais pas et qui a relancé le récit de superbe, même si tragique, manière.

"On galopa encore et encore en faisant le tour du paddock et je sentais la pluie sur mon encolure. Mais ce n'était pas la pluie - Merritt pleurait. Je ralentis et revins au pas, et elle sortit ses baskets des étriers en s'affalant sur mon encolure ; elle m'entoura alors de ses bras et sanglots dans ma crinière, comme elle l'avait fait plus tôt dans la journée. Je m'arrêtai, conscient que sa posture était dangereuse. Si je trébuchais dans le noir, elle risquait de tomber et de se faire très mal. Elle ne portait même pas une bombe."                              [Red] 

A noter aussi qu'il y a de nombreuses références au monde équestre, forcément, avec le vocabulaire spécifique. Personnellement je suis comme un poisson dans l'eau avec ça, mais même pour les personnes qui ne s'y connaissent pas, le traducteur donne toutes les définitions en notes de bas de page. Même si je pense que cela peut-être lassant à la fin de devoir toujours s'y référer. Et puis, il y a beaucoup de moments où l'on parle de parcours et d'obstacles. Est-ce vraiment visuel pour quelqu'un qui s'intéresse à un tout autre sport ? Pas sûr. Je pense que quelques schémas auraient été intéressants. 

Autres références omniprésentes, la musique. Red adore écouter la radio et ses connaissances musicales sont quasi illimitées. Il adore citer des paroles de chansons, que je connaissais ou pas, mais une fois encore, le traducteur donne la référence de chaque chanson en note de bas de page pour les plus curieux. 

Dernier point particulier, l'auteur est très réaliste et pertinente dans ses descriptions de la jeunesse, américaine ou non, et nous sommes entièrement plongés dans la génération Twitter, Instagram, Facebook et autres réseaux sociaux. 

Par contre la fin... est hyper dure et décevante. Alors certes, nous la connaissons d'emblée, puisque le prologue est le chapitre de fin, et que le reste du livre n'est qu'un immense flash back. Mais concrètement, tout au long du livre, je me persuadais que cela était une fausse fin, que l'auteur allait nous faire une petite pirouette et finir ce livre sur une sorte de "je vous ai bien eus !". Eh bien non, la petite partie de moi qui espérait a été franchement déçue. Je pense que l'auteur a bien fait de placer le final (enfin une partie, pas tout) au début, parce que cela nous permet de nous préparer plus ou moins à cela. Je crois que si ce final m'était tombé comme ça sur le coin de la tronche, j'aurais balancé le bouquin contre un mur. Sans rire. J'ai détesté cette fin, il y a des choses que l'on n'a pas le droit de faire. Et de plus, j'ai du mal à concevoir que l'on puisse écrire un livre sur des ados en difficulté (Merritt, Carvin et autres), ainsi que sur un cheval en difficulté pour le coup, de faire en sorte que tous ces personnages se battent pour remonter la pente, fassent preuve de courage et donnent le bon exemple pour des lecteurs, et faire terminer ce même livre en jus de boudin. Même si j'avais deviné depuis longtemps un retournement de situation qui provoque la fin, les ados, dans toutes leur naïveté et co fiancé, n'avaient rien vu venir. Ils vivent donc sur la fin, d'abord la trahison puis le désespoir. Alors que certains lecteurs peuvent sûrement se reconnaître dans ces personnages. Clairement, ici, il n'y a aucune place pour l'espoir mais que pour la fatalité, et je trouve que le message n'est vraiment pas adéquat, surtout vis à vis des gens qui s'identifieront à nos protagonistes. 

Bref, j'ai adoré ma lecture, je ne peux pas le nier, mais la fin de ce roman est catastrophique sur tout les plans : sur celui de l'émotionnel mais aussi sur celui du message à faire passer. Du coup, à chaud, comme cela, j'ai vraiment du mal à donner mon avis... Ce roman m'a réellement fait vibrer c'est sûr, toute une partie de l'histoire est magnifique, porteuse d'espoir, prend les tripes. Mais la fin à massacré tout le travail préalable... 

"La vie d'un cheval se résume aux gens auxquels il appartient."             [Red]