Juste une ombre

Auteur : Karine Giebel
Editeur : Pocket

Parution : Mai 2013
Pages : 608


RESUME :

D’abord, c’est une silhouette, un soir, dans la rue… Un face-à-face avec la mort.
Ensuite, c’est une présence. Le jour : à tous les carrefours. La nuit : à ton chevet. Impossible à saisir, à expliquer, à prouver.
Bientôt, une obsession. Qui ruine ta carrière, te sépare de tes amis, de ton amant. Te rend folle. Et seule.
Juste une ombre. Qui s’étend sur ta vie et s’en empare à jamais.
Tu lui appartiens, il est déjà trop tard…


CHRONIQUE :

(28 Août 2016)


"Une ombre, vingt mètres derrière moi. Un homme, je crois. Pas le temps de voir s'il est grand, petit, gros ou maigre. Juste une ombre, surgie de nulle part. Qui me suit, dans une rue déserte, à 2 heures du matin.
Juste une ombre..."


"Juste une ombre" est le deuxième Karine Giebel que je lis. Encore une fois, je suis ébahie de la vitesse à laquelle ces gros pavés s'avalent...

Il faut dire que l'écriture de l'auteur a vraiment quelque chose. Elle est totalement addictive. Pourquoi ? Parce que le style est percutant, certaines phrases sont assénées comme des coups de fouet, elles sont courtes, sans fioritures, parfois dures, mais toujours pleines de sens. Les tournures de phrases sont phénoménales et Karine Giebel manipule à la perfection l'art de toujours nous donner envie de lire encore un peu... Et encore un peu... Voilà une plume comme on en rencontre rarement, qui est juste parfaite pour le genre de l'auteur : le thriller. Car elle est maîtresse dans l'art du suspense et des ambiances anxiogènes. Des chapitres courts, coupés en sous chapitres, pour un rythme enlevé et cadencé.

"Je te détruirai lentement, jour après jour, morceau après morceau.
Je te déconstruirai, pièce par pièce.


Tu seras ma plus belle œuvre d'art, ma plus belle réussite.
Mon plus beau carnage.


Mon chef d'œuvre, je te le promets."


Mon premier Karine Giebel, "Purgatoire des innocents" avait été un quasi coup de coeur. En fait, si je ne m'étais pas fait spoiler par la quatrième de couverture (merci Pocket...), ça l'aurait été !  Et bien que j'ai adoré "Juste une ombre", je ne l'ai pas trouvé aussi proche de la perfection. Pourquoi ? Pas à cause du scénario (je n'ai pas fait la bêtise de lire le résumé avant ) mais plutôt à cause de quelques petites longueurs. Même si ces longueurs restaient addictives car l'auteur a l'art de nous attacher aux personnages et aux moindres faits et gestes de leurs vies, il y a eu de petits moments trop longs sur la première moitié.

Ici, nous rencontrons le même schéma que Purgatoire : nous suivons deux vies, qu'en apparence rien ne relie, mais qui finiront inévitablement par se mêler. Mais dans "Juste une ombre", il ne faut pas moins de 300 pages (sur 600) pour relier nos deux protagonistes principaux ! D'où les longueurs, car quand les deux êtres se rencontrent, rien que le mélange de caractères est explosif.

D'un côté, Alexandre Gomez, commandant de police tourmenté par sa vie personnelle, aux manières efficaces mais peu orthodoxes. Il m'a paru antipathique au tout début mais j'avoue avoir très vite changé d'avis sur lui pour finir par adorer ce géant. Il cachera sa détresse derrière une carapace de dureté jusqu'au jour où un événement viendra le briser...

De l'autre, Cloé Beauchamps, vipère par excellence, présidente adjointe dans une boîte de pub, visant le poste de PDG. La jeune femme est antipathique au possible, arrogante et arriviste, condescendante aussi. Bref, vous comprendrez : Karine Giebel a fait le pari de nous faire nous attacher à un personnage qui part avec de grosses lacunes : pas le genre de nana qui attire notre affection ni même notre compassion... Et pourtant... La jeune femme s'en prend tellement plein la tête que cela fane un peu son arrogance, que l'on comprend être une façade dissimulant une grande fragilité. Malgré tout, elle restait délicieusement insupportable.

"Cloé sourit. Rencontrer le nouveau petit ami de Carole, ça promet ! Caro, qui a toujours eu un goût assez particulier concernant les hommes.
Les plus crétins, les plus ringards, les plus ineptes. Cloé a déjà vu le fameux Quentin, mais ne s'en souvient plus vraiment. Sans doute parce qu'il ne vaut pas la peine qu'on se souvienne de lui !"


La vie rêvée de Cloé va se ternir peu à peu quand elle aura ce sentiment persistant d'être épiée. Épiée par une ombre qui aura pour but de lui faire tout perdre : ami, fiancé, boulot, et pourquoi pas... raison. Son seul soutien sera ce grand flic bourru, aux manières d'ours, en congés forcés, bref, pas le soutien idéal. En apparence du moins.

"L'Ombre commande.
Et Cloé n'a même plus le choix de fuir. De mourir.
Aucune échappatoire.
Elle se remet à pleurer, meilleure façon de se réchauffer.
Il veut que je vive.
Pour me tuer de ses propres mains."


Une fois encore, Karine Giebel manie les personnalités de ses personnages avec brio. Cette auteur a l'art de nous emmener dans la vie de personnes que l'on voit rarement dans les romans. Ses protagonistes ne sont pas des héros, ils ne sont même pas forcément gentils et portent tous leur part d'ombre et leurs défauts. Malgré cela, elle arrive à ce que nous, lecteurs, nous nous attachions à eux, alors que la logique voudrait que nous nous en détournions. Un peu sorcière peut-être, Karine Giebel ?

Quant au scénario, que dire ? Certes, comme je l'ai mentionné, quelques longueurs sont venues ralentir la lecture et je fus heureuse quand les événements ont réellement commencé à se précipiter, mais que voulez-vous, l'auteur semble vraiment aimer nous plonger tête la première dans les emmerdes et la vie des ses personnages. C'est cette psychologie fouillée, lente et profonde qui permet à ses protagonistes de nous mettre le grappin dessus.
 
Quant au reste... C'est machiavélique tout simplement. Beaucoup de retournements de situation, de possibilités, de soupçons... Pour finalement se rendre compte que nous avons été menés en bateau du début à la fin. Car la fin, mes amis, mais quelle fin ! Exceptionnelle est le mot qui convient. Non seulement je n'avais guère compris le mystère entourant l'Ombre, mais en plus je ne m'attendais pas du tout à la tournure des événements ! Quel choc de lire cela. Tous ces moments où vous vous dites : non, ce n'est pas possible ? C'est une feinte ? Oui ? Non ? A vous de voir en cours de lecture. Et quand vous pensez le final étalé, que l'auteur vous a piétiné, vous lecteur, avec brio, vous a montré que vous ne l'attendiez pas, eh bien... Vous lisez l'épilogue... Ah. Lui non plus vous ne l'attendiez pas ! Bref, je fus scotchée par le dénouement magistral de cette histoire.

"La mort n'est pas une fille facile. Elle se refuse à ceux qui la veulent, se donne à ceux qui la repoussent."

Quelle tournure d'esprit et quelle imagination ! Je n'aimerais pas être l'ennemi de Karine Giebel. Car lorsque l'on voit ce que ses personnages subissent ... C'est à frémir. Eh oui, Elle n'est vraiment pas du genre à choyer ses héros. Ni ses lecteurs d'ailleurs ! Mais pour notre plus grand plaisir, cela va sans dire.

Bref, cette deuxième lecture m'a convaincue d'une chose : je lirai encore du Karine Giebel car je sais qu'elle me sortira toujours des sentiers battus, de ma zone de confort et qu'elle saura me surprendre. Elle fera saigner mon petit coeur en s'en prenant à des personnages que j'aime, mais au final, elle saura toujours me faire refermer son livre sur un grand sourire. Chapeau l'artiste.