Le passeur.

Auteur : Lois Lowry
Editeur : L'école des loisirs
Parution : 1993, réédition de 2014
Pages : 235
RESUME :
Dans le monde où vit Jonas, la guerre, la pauvreté, le chômage, le divorce n'existent pas. Les inégalités n'existent pas. La désobéissance et la révolte n'existent pas. L'harmonie règne dans les cellules familiales constituées avec soin par le Comité des sages. Les personnes trop âgées, ainsi que les nouveau-nés inaptes sont « élargis », personne ne sait exactement ce que cela veut dire. Dans la communauté, une seule personne détient véritablement le savoir : c'est le dépositaire de la mémoire. Lui seul sait comment était le monde, des générations plus tôt, quand il y avait encore des animaux, quand l'oeil humain pouvait encore voir les couleurs, quand les gens tombaient amoureux. Dans quelques jours, Jonas aura douze ans. Au cours d'une grande cérémonie, il se verra attribuer, comme tous les enfants de son âge, sa future fonction dans la communauté. Jonas ne sait pas encore qu'il est unique. Un destin extraordinaire l'attend. Un destin qui peut le détruire.
CHRONIQUE :
(01 Février 2015)
Cette dystopie est à la base sortie en 1993. Elle est un peu avant gardiste du genre. Aujourd'hui, elle m'apparaît comme une bonne dystopie parmi d'autres, mais je pense en effet qu'à l'époque, ce livre devait être marquant.
J'ai du mal à vous parler de ce livre, car je ne sais pas vraiment comment qualifier ma lecture. Elle fut très bonne sans être excellente non plus. En fait, je pense l'idée de base excellente, mais malgré tout, l'histoire manque cruellement de développement. A peine sommes-nous dans l'univers que nous tournons la dernière page. Les événements s'enchaînent vite, ce qui est plutôt pas mal, mais manquent de profondeur.
Le passeur, c'est l'histoire de Jonas qui vit dans un monde où tout est régit par le Comité des sages. Le travail, le partenaire de vie, tout cela est organisé pour vous. La guerre et le chômage n'existe pas, de même que la révolte ou la désobéissance.
Dans ce monde, lorsque vous naissez en mauvaise santé ou que vous vieillissez, vous êtes « élargis ». Un bien vaste mot dont personne ne connaît la signification exacte. Etre élargi, cela veut dire être emmené vers l'Ailleurs, au-delà des limites de la communauté.
Jonas va bientôt avoir douze ans. L'âge auquel on lui assigne son emploi. Il devient un adulte. Le destin de Jonas sera extraordinaire puisqu'il est nommé pour être le futur dépositaire. La seule personne qui détienne la mémoire de "l'avant". La seule personne qui sache réellement. Qui sache tout. Mais le savoir peut parfois être dangereux… il peut chambouler une vie.
J'ai beaucoup aimé la notion de dépositaire ainsi que la façon dont sont transmis les souvenirs. Ainsi que la nature même de ces souvenirs. Et leurs nombreuses conséquences. J'aurais pourtant aimé que cette phase du roman dure plus longtemps, j'aurais aimé avoir le temps de regarder Jonas changer, se modifier au fur et à mesure de ses nouvelles connaissances. Mais nous n'en avons pas vraiment le temps, les réactions sont un peu précipitées. Et puis aussi, un peu trop matures pour un jeune garçon de douze ans.
De même, je ne sais pas trop que penser de la fin, très ouverte et spéciale. En fait, je pense que j'aurais souhaité autre chose. Pour autant ce livre est surprenant et offre des révélations intéressantes. L'histoire prend une tournure à laquelle je ne m'attendais absolument pas !
Certains détails de ce livre sont très travaillés : par exemple les enfants portent des vestes différentes en fonction de leur âge : les premières se ferment dans le dos, afin de demander de l'aide et apprendre l'entraide. Puis plus tard, elles se ferment devant et ont des poches, car les enfants sont alors aptes à être responsables de leurs petits objets qu'ils peuvent garder dans leurs poches…
Bref l'auteur a une imagination débordante et a créé un monde vraiment fouillé, et j'aurais aimé qu'il prenne le temps de nous en parler plus longuement. J'ai aussi beaucoup aimé le fonctionnement des cellules familiales, que je vous laisse découvrir.
Mais malgré cette foule de détails, beaucoup de questions restent sans réponses. Pourquoi Jonas est-il choisi comme futur dépositaire ? Que s'est-il passé pour que le monde devienne ainsi ? Que va-t-il arriver à la communauté ? Etc…
En résumé, ce livre est une bonne dystopie, très travaillée, mais qui aurait mérité d'être plus longue car l'on ne fait qu'apercevoir la richesse de cet univers. Surtout, j'aurais aimé avoir le temps de voir Jonas évoluer, or, là, ses réactions sont précipitées. Quant à la fin, elle m'a perturbée, je ne saurais dire pourquoi exactement.
« _Nous ne pouvons pas prendre le risque de laisser les gens faire des choix.
_Ce serait dangereux? suggéra le Passeur.
_Tout à fait dangereux, répliqua Jonas avec assurance.
Et si on les autorisait à choisir leur conjoint? Et s'ils faisaient le mauvais choix? Ou si, poursuivit-il en riant presque devant l'absurdité d'une telle hypothèse, ils choisissaient leur métier?
_Ça fait peur, non? dit le passeur.
Jonas gloussa.
_Très peur. Je ne veux même pas me l'imaginer. Nous devons vraiment empêcher les gens de faire des mauvais choix.
_ C'est plus sûr.
_Oui approuva Jonas. Beaucoup plus sûr. »