Les décharnés : Une lueur d'espoir.

Auteur : Paul Clément
Editeur : Auto Edition
Parution : Novembre 2015
Pages : 334
RESUME :
Une journée de juin comme une autre en Provence. Blessé à la cheville, Patrick, un agriculteur de la région, asocial et vieillissant, ne souhaite qu'une chose : se remettre au plus vite pour retrouver la monotonie de sa vie, rythmée par un travail acharné.
Mais le monde bascule dans l'horreur lorsque les automobilistes, coincés dans un embouteillage non loin de chez lui, se transforment soudain en fous assoiffés de sang... de sang humain. S'il veut survivre, Patrick doit non seulement faire face à ces démons qui frappent à sa porte mais aussi à ceux, plus sournois, qui l'assaillent intérieurement. Et si cette petite fille, qu'il prend sous son aile, parvenait à le ramener, lui, vieux loup solitaire, dans le monde des vivants ?
CHRONIQUE :
(09 Mars 2016)
Quand son auteur m'a proposé de découvrir ce livre, j'ai immédiatement accepté : les zombies sont un thème que j'affectionne particulièrement et j'ai tendance à lire tout ce que je trouve sur le sujet (ou du moins à entasser dans ma PAL, ne suivant pas le même rythme achat / lecture). De plus j'avais déjà entendu parler (en bien) de son livre.
Eh bien je dois dire que j'ai été ravie de ma lecture. J'ai retrouvé ici tout ce que j'aime : des cadavres putréfiés avides de chair fraîche, des humains plus monstrueux que les monstres eux-mêmes, une bataille pour la survie et d'autres choses encore qui marquent les bons romans de survie en apocalypse zombie. Donc d'accord, dis comme ça, rien de très original. Mais même si le thème traité ne l'est pas, l'auteur apporte suffisamment d'éléments pour être captivé, notamment au niveau des personnages.
"Si les poussées d'adrénaline qui m'avaient permis de tenir la veille ne faisaient plus effet depuis longtemps, la peur restait là. Une peur sale et poisseuse. Le genre d'effroi qui ne vous lâche plus et qui s'amuse, dès que vous fermez les yeux, à peindre sur vos paupières closes tous ces visages lugubres, ces dents acharnées, qui vous fixent quelques centimètres sous vos pieds."
Parlons en premier lieu de l'univers. Nous sommes en Provence, et, déjà, cela fait du bien d'être en France. Nous commençons ce récit au début de la déferlante de morts-vivants et ne passons que quelques semaines en compagnie de nos personnages. Notre héros (si tant est qu'on puisse le qualifier de tel) étant quelque peu asocial, ce n'est pas vraiment un accro des infos, et nous n'apprenons pas les causes du "problème". Après, rien de gênant, vu qu'aujourd'hui les causes sont quasiment toujours les mêmes, en l'occurrence un virus / arme biologique qui a mal tourné. Du coup, je n'ai pas de curiosité maladive sur ce sujet. Idem, nous n'aurons évidement pas de fin à cette apocalypse, vu que ce géant bordel a l'air parti pour durer... oulah... un moment.
L'écriture de l'auteur sert admirablement ce récit. Elle est très visuelle et je me plongeais avec beaucoup de facilité dans cette histoire. Il ne craint pas les attaques et les descriptions peu ragoûtantes, rajoutant encore une touche de réalisme et beaucoup d'action. Car cela n'arrête pas. Aucune longueur vient étouffer ce roman, nous avançons à cent à l'heure et nous demandons toujours ce qui va arriver au coin de la prochaine rue. Honnêtement, tout était si crédible et prenant, que je me suis fait plusieurs fois la réflexion que si je relevais la tête, regardais dans le jardin et voyais un zombie, je n'aurais pas été surprise outre mesure. En effet, le monde de l'auteur devenait le mien et j'avais parfois quelques secondes de flottement au moment du retour à la réalité.
Mais le must, dans ce livre, outre l'action omniprésente qui donne un dynamisme certain à la lecture, ce sont les personnages. Les deux principaux sont un étrange couple vieil homme / fillette. Je tiens à décerner une mention spéciale à Giselle, vieille acariâtre insupportable que l'on a tous rencontrée au moins une fois dans sa vie. Celui qui prête sa voix à ce récit, c'est Patrick, un agriculteur borné et solitaire, qui s'est tué à la tâche des années durant. Sa vie de reclus, conséquence de blessures du passé, l'a rendu profondément égoïste et asocial. C'est donc d'un regard amer et cynique qu'il regardera les premiers humains devenir fous (il lui faudra quelques heures pour accepter la vérité du "zombie"). D'ailleurs, sa première réaction face au danger est très loin d'être altruiste. Soyons honnête, en début de récit, Patrick est un vieil enfoiré égoïste ronchon méritant une bonne raclée (rien que ça ouais !).
"Ces accidents faisaient même souvent la une et avaient le don d'égayer mes journées. En travaillant, je pensais à ces idiots qui se tuaient sous prétexte d'avoir voulu gagner quelques misérables minutes chez eux en accélérant vainement. Ils n'avaient gagné qu'un aller simple pour le cimetière. La compassion n'était pas mon fort."
Mais, lorsqu'enfermé dans sa baraque à observer les gens se faire massacrer, il verra une fillette de 10 ans (je crois) courir pour sauver sa vie, un ancien instinct resurgira et il se surprendra lui-même à se précipiter dehors afin de sauver la gamine. Commencera alors pour lui une longue et lente évolution. Ou quand un homme réapprend l'amour au contact d'un enfant innocent. Des pensées égoïstes continueront de s'insinuer dans son esprit, mais il saura, peu à peu, les repousser, par attachement à une gamine presque inconnue. Une gamine qui portera beaucoup d'affection au vieil homme, un amour qu'il pense ne pas mériter. Car oui, outre son caractère asocial, Patrick continue d'être un anti-héros dans le physique. Ces vieux os ont du mal à le porter et supporter de longues marches sportives, ainsi que les confrontations avec les zombies. Lorsqu'il aura à se battre contre des humains, il se prendra des raclées monumentales, son corps n'étant pas de taille à affronter de jeunes gars en forme. Bref, Patrick n'a vraiment pas le profil du sauveur. Mais ce qui fera toute la différence, ce sera sa volonté. Sa volonté de sauver cette fillette, de la mener en sécurité, de la protéger. Au début ce sera par responsabilité mais peu à peu, il sera forcé de reconnaître son attachement à ce brin de fille, et il finira par être capable de tout donner pour elle, même sa vie s'il le fallait. L'évolution de sa personnalité est menée tout en finesse par l'auteur. Superbe.
Emma de son côté, incarne vraiment l'innocence. C'est une gamine intelligente et adorable, qui, ayant perdu ses proches, se raccrochera à la première personne la sauvant des zombies : ce vieil homme bourru du nom de Patrick. Peu à peu la fillette va devoir ouvrir les yeux sur la cruauté du monde et apprendre que les seuls monstres ne sont pas les zombies. Patrick fera tout pour que l'étincelle de vie et de joie qui brille au fond des prunelles de cette enfant ne s'éteigne pas. Mais dans ce nouveau monde, la tâche va s'avérer ardue.
"La horde, lente mais déterminée, continuait à gagner du terrain à quelques dizaines de mètres, dans une scène de course poursuite dont le cinéma n'aurait jamais voulu. Les zombies avançaient péniblement tels des pantins désarticulés tandis que le héros, un vieillard au ventre proéminent, fonçait avec son bolide à quarante kilomètres-heure. James Bond en serait mort hilare."
Bref, même si ce roman est un roman de zombie, de créatures et de mort, c'est aussi (et surtout ?) un roman portant une énorme touche d'humanisme. J'ai autant apprécié suivre les déferlantes de créatures décharnées, les combats plein de chair putride aux odeurs pestilentielles, les coulées de sang noirâtres, les organes devenus visqueux, bref tout ce qui est typique du roman zombie, que ce côté humaniste avec l'évolution d'un vieil enfoiré en père aimant de substitution.
Je m'attendais (non j'espérais) que ce roman soit en plusieurs tomes mais il s'agit en réalité d'un one shot. La fin est très bien trouvée, ce n'est pas la plus facile (au passage merci pour le dernier paragraphe, un peu de justice dans ce bas monde !), mais laisse un goût d'inachevée. Pas parce que je la trouve bâclée, non. Ni parce que je la trouve trop ouverte. Alors pourquoi ? Parce qu'il a été très dur de me rendre compte que je devais laisser les personnages ici, à leur vie, et refermer une bonne fois pour toutes cette histoire. Vous l'aurez compris, j'ai trouvé qu'elle avait un goût de trop peu. Comme je le disais, il n'y a pas de conclusion à l'univers, ce qui est logique par rapport à la construction et aux points d'intérêt du récit, et nous savons que, logiquement, nos personnages sont partis pour vivre leur vie dans ce monde apocalyptique. Juste que j'aurais aimé faire encore un bout de chemin avec eux. Alors si une suite devait pointer le bout de son nez (ben quoi ? Qui ne tente rien n'a rien), je me jetterai dessus avec le même plaisir.
En résumé, un excellent roman du genre zombie que j'ai dévoré en peu de temps. Difficile à lâcher, il m'a emmenée deux fois jusque très tard (trop tard) dans la nuit. Réveils difficiles en prévision, vous êtes prévenus ! Mais si vous aimez le genre zombie et ce qui touche à la survie en milieu zombie, avec des personnages authentiques qui peuvent être vous ou votre voisin et pas un super héros de l'armée américaine, foncez ! Vous découvrirez en plus une superbe histoire humaine.