Les Errants, Tome 3 : Dispersions.
Auteur : Denis Labbé
Editeur : Editions du chat noir, collection Cheshire
Parution : Novembre 2015
Pages : 334
RESUME :
« Alors que je me saisis sans doute pour la dernière fois de mon crayon, je sens le poids du monde sur mes épaules. »
Toujours aux portes de Lunéville, les ados survivants, menés par Marion, doivent affronter de nouvelles menaces. Dans un monde qui se décompose, les Errants ne sont plus leur unique inquiétude. Entre les mutations qui se développent, les bandes armées qui battent la campagne et les militaires qui ne parviennent pas à repousser les hordes en marche, la petite troupe va devoir faire preuve d'initiatives, de courage et de sacrifice pour s'en sortir. Il n'est pourtant pas certain que tous y parviennent...
CHRONIQUE :
(08 Septembre 2015)
"Alors que je vais reprendre mon récit là où je l'ai laissé il y a quelques semaines, je dois vous avouer que je ne peux m'empêcher de vous annoncer qu'énormément de choses sont venues bouleverser notre groupe. Que nous avons été durement touchés. Et que si vous ne désirez pas poursuivre votre lecture, je ne vous en tiendrez pas rigueur. Car ce que je vais devoir vous apprendre n'est sans doute pas ce à quoi vous vous attendiez. La vie ne se déroule pas souvent comme dans un roman et, je le conçois, cela peut se montrer déroutant, inquiétant ou traumatisant. Que je sois encore là pour vous en parler tient d'ailleurs du miracle..."
Denis Labbé nous offre ici la conclusion de sa superbe trilogie Young Adult sur les zombies. Jérémie Fleury signe encore une fois la couverture, qui correspond ici aussi à une scène du livre. J'aime vraiment les couvertures de cette trilogie, magnifiques et harmonieuses.
Et c'est avec beaucoup de joie que j'ai retrouvé le groupe de Marion, dont ma très chère Cornelia.
Étant donné qu'il s'agit ici d'un tome 3, je ne m'attarderai pas sur les personnages, vous savez déjà ce que je pense de ces ados réalistes et attachants (sinon il vous reste les chroniques des tomes 1 et 2 pour vous renseigner ;) ).
Cette fin va nous permettre de voir le groupe vivre ses derniers moments horribles, avec pertes et fracas mais aussi parfois avec espoir.
J'ai trouvé ce tome trois très justement dosé. L'action est au rendez-vous et l'auteur a su renouveler son histoire avec de nouvelles situations et des zombies de plus en plus spéciaux. Quant aux humains... certains d'entre eux semblent vouloir prouver au monde entier qu'ils sont capables d'être pire que les monstres. Mais après les différentes rencontres des tomes précédents, notre groupe de jeunes ayant grandi trop vite n'est plus aussi naïf. Heureusement pour eux, certaines rencontres seront en revanche très positives, assez pour se dire que malgré tout, il reste aussi des gens bien sur cette Terre.
Certains événements ont pris un tournant inattendu et je me suis fait mener en bateau sur plusieurs fronts, chose que j'adore. L'auteur ne ménage toujours pas ses personnages pour notre plus grand plaisir, car son sadisme sait trouver ses limites.
"_ Il faut se débarrasser de ces cadavres, fit Jean-Michel en feuilletant les papiers des voleurs. S'ils restent en plein soleil, l'air va devenir irrespirable dans le coin.
_ Comment veux-tu faire ? lui demandai-je.
_ Arrosés d'essence, ils vont vite brûler.
_ j'en ai marre de sentir cette odeur de chair carbonisée.
_ Tu préfères celle de la décomposition ?
Il n'avait pas tord et c'est ce qui me contrariait. Déjà, des nuées de mouches s'étaient abattues sur les corps en escadrilles vrombissantes, s'envolant à chacun de nos gestes pour mieux revenir l'instant suivant. Dans peu de temps, les asticots s'en donneraient à coeur joie, se gorgeant d'un suc noirâtre pour mieux donner naissance à de nouvelles mouches, plus grosses, plus avides, plus envahissantes. Je n'avais aucune envie de vivre une telle invasion."
Lorsque je repense à tous les événements que renferme ce tome trois, et plus encore, cette trilogie, je ne peux que saluer cette imagination débordante que Denis Labbé met au service de ses lecteurs.
La fin d'une trilogie est toujours une événement important d'une lecture et est parfois source de conflit entre le lecteur, les personnages et l'auteur ( "mais pourquoi ? Pourquoi ?!! " ou encore "Nan mais je rêve, je te préviens auteur si je t'attrape tu vas souffrir !!!", bref ce genre de choses quoi)... Mais ici, j'avoue avoir été ravie de la fin, bravo Denis, elle est équilibrée, réaliste, ni blanche ni noire et l'on sent que nos amis auront beaucoup de choses à rattraper mais aussi du boulot pour finir de se tirer d'affaire. Pour se remettre de tout ça, se reconstruire.
Entre les premières pages du tome 1 et les dernières du tome 3, on sent une réelle évolution des personnages, que j'ai trouvée très bien transcrite par l'auteur car progressive et inéluctable. Ces jeunes ayant passé plusieurs semaines de survie arme au poing ne seront plus jamais des ados normaux, se préoccupant de jeans, de musique et autres futilités.
"Les scènes que nous avons pu observer, les accrochages auxquels nous avons participé et les souffrances que nous avons endurées ne s'effaceront pas aussi facilement. Il se pourrait même que certains ne s'en remettent jamais. Pour ma part, j'espère pouvoir chasser une partie des horreurs que j'ai croisées de mon esprit et retrouver un peu de l'insouciance qui était la mienne avant le début de l'épidémie. Je sais que ce sont des voeux pieux et que, plus jamais je ne serai celle que je fus. J'ai mûri. Et beaucoup vieilli."
Seul petit bémol, les dialogues, que j'ai trouvés parfois trop formels : les informations placées dans lesdits dialogues étaient parfois amenées de façon un peu trop professionnelle et pas vraiment avec un langage d'ados. Ceci à part, c'est un sans faute pour moi et je suis sincèrement triste de devoir quitter Marion la tête à claques, Jean Mich' le psychopathe, Cornelia la gothique lolita au sabre tranchant et les autres.
Au passage, je dois saluer le fait que l'auteur ne soit pas tombé dans le piège trop facile et tentant de la romance, déplacée dans un tel contexte. Certes les sentiments des uns envers les autres ont leur place et c'est bien normal, mais nous ne souffrons d'aucune longueur inutile et niaise. I'm happy.
Je ne vais pas développer plus cette chronique préférant vous laisser découvrir la fin de l'histoire vu que la trame de base est simple : trouver familles et refuges. Évidemment ce qui est simple sur le papier est franchement compliqué dans la réalité, de par la présence des cadavres déambulant dans les rues à la recherche de viande fraîche.
"A plusieurs reprises, j'ai failli me lever et courir droit devant moi tellement je devenais folle en attendant qu'ils partent. Leurs feulements, le raclement de leurs pieds sur le sol, leur odeur pestilentielle, tout me tapait sur les nerfs. Il ne se passait pas une seconde sans que j'a envie de me jeter sur eux et de les frapper à coups de poing pour qu'ils arrêtent leurs rondes infernales."
Soulignons une fois encore le travail mené sur les zombies, les causes du virus, les mutations, les recherches scientifiques... Vous aurez les réponses à vos questions et une chose est sûre : Denis Labbé n'a pas choisi la facilité des zombies sortis de nulle part.
En bref, "Les Errants" est une trilogie Young Adult qui aura été un véritable coup de cœur pour moi. Les personnages sont attachants, le scénario solide et les longueurs inexistantes. Ajoutez à cela la plume visuelle et efficace de l'auteur mélangée à sa connaissance des ados et vous obtenez un roman crédible à souhait et passionnant. Le côté Young Adult n'enlève rien à l'ambiance ni au macabre. Les zombies sont bel et bien là et vous êtes très loin de la version édulcorée de warm bodies (attention cela n'est en rien une critique de ce livre hein). Quant aux personnages, ce n'est pas parce qu'ils sont ados qu'ils auront droit à des facilités scénaristiques. Non non non, ici notre groupe va en baver plus qu'imaginable.
Un final grandiose pour une saga époustouflante et captivante. Un seul conseil : dévorez-là !
"Avec un aplomb surprenant, elle lui coupa la main droite et lui planta la pointe de sa lame dans l'arrière du crâne en poussant un cri de rage. Puis, elle recula, retira un chiffon de sous sa robe et essuya consciencieusement sa lame en poussant de profonds soupirs.
Qu'étions-nous devenus ?"