Nosfera2.
Auteur : Joe Hill
Editeur : Editions JC Lattès
Parution : Janvier 2014
Pages : 621
RESUME :
Charles possède lui aussi un don particulier. Il aime emmener des enfants dans sa Rolls-Royce de 1938. Un véhicule immatriculé NOSFERA2. Grâce à cette voiture, Charles et ses innocentes victimes échappent à la réalité et parcourent les routes cachées qui mènent à un étonnant parc d’attractions appelé Christmasland, où l’on fête Noël tous les jours ; la tristesse hors la loi mais à quel prix…
Victoria et Charles vont finir par se confronter. Les mondes dans lesquels ils s’affrontent sont peuplés d’images qui semblent sortir de nos plus terribles cauchemars.
CHRONIQUE :
Nosfera2 a été le roman qui m’aura permis de découvrir la plume de Joe Hill. Et ça fait peut-être cliché, mais je n’ai pas été sans y voir un certain lien avec la plume de son père, Stephen King.
En effet, c’est un roman très dense, qui brosse plusieurs années de vie, voire une vie complète. Un livre qui nous permet de rentrer dans l’essence même de nos personnages, et en cela, je retrouve énormément de Stephen King, qui a l’habitude de nous brosser des tranches de vie, que ce soit humaine ou d’une ville. « Ça » notamment, est monté sur ce schéma.
Ici, nous faisons d’abord connaissance avec deux acteurs principaux de l’histoire.
D’un côté Charles Manx, un psychopathe qui enlève des gosses pour les emmener dans son paradis personnel, Christmasland. Certes là-bas, c’est noël tous les jours, mais à quel prix...
De l’autre, Victoria, peut-être la seule môme qui a réussi à lui échapper...
Mais pour combien de temps ? Car Vic grandit, et avec elle, la certitude d’avoir rêvé tous ces épisodes bizarres de son enfance. Ces excursions de gamine, juchée sur ce vélo qui l’emmenait où elle le souhaitait grâce à un pont magique ? Des fadaises, l’expression de sa folie...
Et tout comme son père dans « Ca », l’auteur exploite à merveilles cette différence de psychologie entre l’adulte et l’enfant. L’enfant, avec sa capacité d’acceptation et d’adaptation, qui croit ce qu’il voit sans chercher à comprendre au-delà, et l’adulte, qui a grandi avec des acquis, des habitudes de société et des certitudes inculquées à coups de marteau, et qui ne peut donc accepter les faits sur la simple base de ce qu’il voit. Alors il rejette, il rationalise, il se croit fou... Superbe travail de l’auteur !
Ah, à noter que j’ai lu ce roman à noël, et honnêtement je ne le regrette pas. C’est la période idéale, mais une période hivernale convient très bien aussi !
Ce livre est dense et long, et nous happe totalement dans son univers dérangé, décalé, parfois même dérangeant. Alors attention, ne vous attendez pas à passer votre lecture à Christmasland, car ce ne sera pas le cas. Au début, je pensais que l’histoire partirait dans ce sens, et j’ai eu un petit temps d’adaptation (et de déception il faut le dire) quand j’ai compris que ce ne serait pas Christmasland qui serait développé ici, mais plutôt la notion de réalité parallèle. Au final, on ne découvre pas vraiment comment vivent les enfants une fois arrivés là-bas.
"Chacun d'entre nous vit dans deux mondes séparés. Le réel, avec ses règles, ses contraintes où certains éléments sont vrais, d'autres non. D'une manière générale, ce monde-là craint. Mais les gens évoluent aussi dans un univers intérieur. Une sorte d'extrospection, un environnement constitué de pensée, au sein duquel chaque idée se transforme en fait. Les émotions deviennent aussi concrètes que la gravité, les rêves aussi puissants que l'Histoire. Les personnes créatives, comme les écrivains et Henry Rollins, passent beaucoup de temps à arpenter cette dimension onirique. Les personnes très créatives, quant à elles, peuvent se servir d'une arme pour découper la membrane entre les deux mondes. Elles ont le pouvoir de les unir."
Non, cette histoire, c’est surtout l’histoire du jeu de dupes entre Vic et Charles Manx. Ce dernier n’est pas spécifiquement ravi que la jeune femme lui ait échappé, et, au volant de sa vieille Rolls de 1938, fera son possible pour récupérer ce qu’il a perdu.
Alors soyons clairs, les aventures de Victoria gamine ne vont pas laisser la jeune fille indemne, et c’est une ado perturbée (d’autant plus que sa situation familiale n’est pas simple) qui va naître, et laisser la place à une adulte limite psychotique. Mes sentiments envers Vic ont donc évolué au cours de la lecture, et ce fut un véritable ascenseur émotionnel avec elle. Je n’ai pas pu m’empêcher de m’énerver à certains moments, de condamner certaines de ses réactions (qui sont vraiment horribles pour son entourage), mais en même temps d’être touchée quand la réalité reprenait le dessus. En fait, Vic alterne les phases d’acceptation et de déni, et sa mentalité évolue en fonction. Mais quand tout le monde vous croit folle, comment réussir à penser que vous êtes saine d’esprit ?
En revanche, le personnage que j’ai adoré tout au long de ma lecture, ici, c’est bien Charles Manx. Certes ce mec est un psychopathe malsain, une sorte de vampire psychique qui se nourrit de l’âme des gamins qu’il enlève, mais honnêtement, il est magistral et charismatique. Un méchant comme je les aime (ça c’est mon côté Harley Quinn) à trois mille lieux de ce qu’on peut rencontrer « classiquement ».
"Bing ! Je t'avais demandé d'installer M. et Mme De Zoet dans ka chambre d'amis.
- Ils ne font de mal à personne.
- Non. Bien entendu, puisqu'ils sont morts. mais ce n'est pas une raison piur les conserver au salon. Pour l'amour de Dieu, que fais-tu assis là avec eux ?"
Autre point génial, c’est que nous ne savons jamais où l’auteur va nous emmener. En effet, à différents moments du récit, j’avais beau réfléchir, je ne pouvais pas deviner la suite, et j’étais toujours surprise de la tournure des événements.
Nosfera2 n’est pas un roman que l’on va dévorer, car il est, comme je vous le disais, extrêmement dense et complexe, mais une fois plongé dans l’univers, il est extrêmement difficile d’en décrocher tant c’est addictif. Il y a foule d’informations, je sais qu’il y a des longueurs parfois, mais pourtant on prend tout et on ne rejette rien. Car rien ne m’est paru inutile, même s’il faut aimer ce genre d’histoire où vous plongez à pieds joints dans une vie. Une vie étrange, emplie de surnaturel. Une vie de femme brisée. Mais au final, une vie de femme déterminée...
Sombre et glauque, mais aussi touchant, ce roman fait partie de ces histoires à part. Quant à Joe Hill, il fait partie de ces auteurs qui ne ménagent pas leurs héros, et le résultat est excellent. Un savant mélange d’horreur et de fantastique. Promis, vous n’écouterez plus jamais les chants de Noël de la même manière !