Punk's Not Dead.

Auteur : Anthelme Hauchecorne
Editeur : Midgard
Parution : Octobre 2013
Pages : 465
RESUME :
Soyez réalistes. Exigez l'impossible !
À quoi l'Apocalypse ressemblerait-elle, contée par un punk zombi ?
Qu'adviendrait-il si le QI des français se trouvait d'un coup démultiplié ? Un grand sursaut ? Une nouvelle Révolution, 1789 version 2.0 ?
Est-il sage pour un mortel de tomber amoureux d'un succube ?
Les gentlemen du futur pourront-ils régler leurs querelles au disrupteur à vapeur, sans manquer aux règles de l'étiquette ?
Comment se protéger des cadences infernales, de la fatigue et du stress au travail, lorsque l'on a le malheur de s'appeler « La Mort », et d'exercer un métier pour laquelle il n'est pas de congés ?
Autant de sujets graves, traités entre ces pages avec sérieux.
Ne laissez pas vos neurones s'étioler, offrez une cure de Jouvence à vos zygomatiques. Cessez de résister, accordez-vous une douce violence…
De toute évidence, PUNK'S NOT DEAD a été écrit pour vous.
CHRONIQUE :
Punk's not dead est sans contexte une grande claque littéraire aux couleurs de mort et aux saveurs de folie. Pour autant ce livre a le génie de traiter de sujets graves en utilisant l'esprit fou d'un écrivain hors norme. Explications.
"Impossible d'ignorer les innombrables symptômes d'une société malade. Le saccage organisé de la planète. [...]
S'il n'était tristement vrai, notre monde ressemblerait à une histoire bancale, l'oeuvre confuse d'un scénariste brouillon.
Derrière la popularité évidente et grandissante des littératures de l'imaginaire, ne doit-on y voir alors qu'un caprice du hasard? Ou le sursaut d'esprits qui se cabrent, la révolte face au foutu futur futile que l'on nous préfabrique? [...]
L'urgence se fait sentir. Question de salut public."
PND a d'abord kidnappé un illustrateur de talent afin de se parer d'une robe aux tons punk qui lui sied à merveille. Il a même poussé le vice jusqu'à forcer le malheureux (Loïc Canavaggia) à incorporer une somme conséquente de pages grisées à l'intérieur de l'ouvrage. Ici, rien n'est laissé au hasard. Ni les débuts de chapitres, emplis de détails, ni les coupures de paragraphes mettant en avant minis créatures en lien avec l'histoire en cours. Même la police d'écriture a voulu se mettre sur son trente et un, afin de ne pas dépareiller à cet univers étrange, visuel et magnifique (ou horrifique c'est selon).
Mais PND ne s'arrête pas là, puisque fier de vous offrir un visuel à faire pâlir un tableau d'art, il vous offre aussi un contenu à vous couper le souffle. Evidemment le chiffre honni 13 sera désigné pour marquer le nombre de nouvelles. Je ne vais évidemment pas vous présenter chacune d'entre elles, mais essayer de vous donner une idée du contenu...
La première donne d'emblée le ton. Hongrie post-apo. Une jeune fille, afin de survivre, devient "scorpailleuse" (fouilleuse de cendres de l'ancienne ville, à la recherche de reliques). La rencontre de Nyx va changer la donne. Mais qui est-il vraiment? Meilleur allié ou pire ennemi, seul l'avenir le dira...
"Puis le pétrole vint à manquer. Les villes auraient dû alors saisir ce prétexte pour se reposer. Au lieu de quoi elles redoublèrent d'efforts dans leur quête d'une nouvelle bibine à même d'entretenir leur ivresse. Elles la trouvèrent. [...] Bien évidemment, c'était une insondable couillonnade... Sauf qu'il s'est trouvé des experts pour affirmer que c'était rentable.."
Voilà une nouvelle qui fait réfléchir sur l'épuisement que l'on fait subir à notre planète, les risques qu'on lui fait courir au nom du Seigneur Pognon. Une histoire sur l'importance du savoir, point sur lequel appuie le "backstage" (en effet chaque nouvelle comporte un backstage, où, sous la torture, l'auteur se voit contraint de révéler à PND les ficelles de la nouvelle...).
La deuxième défunte littéraire, aux accents steampunk évidents, laisse un peu de place dans le cercueil à l'histoire de Johhny Rotten, dernier punk du Royaume Uni, et zombi de son état. Ce dernier vous conte ses derniers moments sur terre, pérégrinations au travers d'un monde dévasté, jolie balade au sein de la putréfaction, les intestins en bandoulière. L'écriture d'Anthelme Hauchecorne, est, une fois encore, complètement bluffante.
"Les gentlemen à manivelle", quant à elle, se tourne vers un autre registre, celui des robots, et de la place que ces derniers prennent dans nos vies actuelles. Cette nouvelle touche aussi le sujet de la suprématie possible du robot sur l'être humain. En effet, dans notre société de productivité, la robotique devient incontestablement plus performante que nous... C'est ainsi qu' Eugénie, au service de Barnabé et responsable de l'entretien de ses robots, nous entraîne dans sa vie quotidienne, pleine d'humour et de déconvenues auprès d'un maître quelque peu... écervelé.
"Au cours de son exploration à tâtons, elle effleure de vieilles preuves des fringales gourmandes de son bedonnant patron. Des vestiges alimentaires dérangés en pleine mutation, à califourchon entre gastronomie et paléontologie. Elle envahit sans le vouloir le territoire ennemi d'un écosystème miniature et grouillant. Une gaufre au miel rendue à l'état sauvage lui galope sous le nez, mue par une tribu de cancrelats."
Après les robots, place aux Démons sous les traits de la belle Abrahel. Cette nouvelle est tirée d'une légende, et revisitée afin de mettre les points sur les i. Les théologistes ne seraient-ils donc pas complètement impartiaux? Comme c'est étonnant. Dans tous les cas, c'est une Abrahel vulnérable, qui agit par amour pour un humain que l'on retrouve ici. Une très belle histoire, prenante, à la fin poétique.
" L'adage prétend que l'enfer serait pavé de bonnes intentions. Les démons ne le savent que trop. En chacun d'eux gît l'ombre d'un ange tourmenté."
Dans un autre style, la poésie de l'avant dernier texte m'a beaucoup touchée. Je ne peux, encore une fois, m'empêcher de vous en livrer un extrait :
"Je te revois tel que tu étais, triste et chiffonné, le coeur jeté en boule, pareil à une pelote de linge sale. Je t'ai ramassé. J'ai passé et repassé mes doigts sur ton cuir, reprisé les déchirures de ton âme. Superbe étoffe. Qui a pu te négliger à ce point? Jamais tu ne me l'as dit. Depuis cette nuit, je t'ai porté. Il est des gens comme des vêtements, des gens que l'on enfile, pour s'abriter du froid, des gens qui ne demandent qu'à être remplis de chair chaude, d'amour, de bonnes gens qui ne se sentent vivre qu'en enveloppant l'être aimé de leur tendresse. De ces saints, David, tu es le fleuron.
On finit par refermer tristement le couvercle du cercueil sur une histoire se passant dans le monde du cycle Sidh. Une nouvelle qui nous donne envie de se jeter sur "Ames de Verre". Car malheureusement, insidieusement, Punk's not dead se referme sur vous. C'est la fin.
"L'imaginaire, sous couvert d'explorer d'autres mondes, devient prétexte à prendre du recul sur celui qui nous entoure, pour mieux dévoiler ses travers."
je pense qu'il est supperflu de préciser que c'est avec un talent énorme que l'auteur nous entraîne dans sa diversité de mondes, afin de nous conter des histoires plus étranges les unes que les autres, et afin de dénoncer certaines injustices. La plume que vous avez découvert au cours de ces divers extraits s'adapte à merveille à chacun des protagonistes mis en scène Poétique, piquante, ou sarcastique, le style change, mais jamais ne s'étiole.
A la formule "Soyez réalistes. Exigez l'impossible", je répondrai "Exigences remplies. Chapeau bas."