The Pink Tea Time Club.

Auteur : Cécile Guillot
Editeur : Les Editions du Chat Noir, Collection Blacksteam
Parution : Mai 2014
Pages : 120


RESUME :

Lottie est une jeune Londonienne bien sous tous rapports, même si elle préfère s'informer des dernières modes plutôt que d'apprendre les convenances d'une future femme à marier.
Cependant, lorsque des engeances monstrueuses sorties tout droit d'une dimension parallèle s'attaquent à elle au cours d'une promenade, la lady saute sur l'occasion de chambouler son quotidien.


Mise au parfum par Mr Rabbit, un jeune horloger garant de la fermeture de ces portails, Lottie décide de partir à l'aventure. Dans son empressement passionné, elle embrigade sa sœur et sa meilleure amie avec lesquelles elle forme désormais le Pink Tea Time Club. Un groupe de lecture, en apparences, où l'on parle monstres, créatures fantastiques, royaumes féériques et autres mondes. Pour la soif de découverte, pour sauver Londres mais surtout, pour passer le temps.
En toute bienséance, cela va de soi…


CHRONIQUE :
(14 Septembre 2015)


"Dans la vie, la gravité d'une situation est diminuée de moitié après une bonne tasse de thé !
[Proverbe anglais]
Sauf si ce thé est bu en compagnie de Miss Carlotta James, auquel cas, la gravité de cette situation sera doublée.
[Elijah Rabbit)]


Ce très court roman des Editions du chat noir est vraiment le livre idéal lorsque vous avez envie d'une lecture courte, drôle et sans prise de tête. Même si je dirais que pour comprendre où l'auteur veut en venir avec ce récit quelque peu "parodique" (ce n'est pas le terme exact), il est peut-être mieux de connaître le genre de récits que sont "Les aventures d'Alexia Tarabotti" par exemple. Car on y sent une inspiration assumée. C'est donc dans le Londres victorien de la haute que l'auteure nous entraîne avec beaucoup de fraîcheur et de naïveté. Une naïveté voulue puisqu'elle est un trait de caractère majeure de notre jeune héroïne.


D'abord paru par épisode, ce roman sort finalement dans son intégralité, où chaque épisode représente un chapitre, et, au passage, une enquête.
La couverture est totalement sublime, je suis assez bluffée par les traits du visage de Carlotta, notre héroïne représentée ici. Même la robe qu'elle porte correspond à une scène du livre et l'ensemble colle très bien au roman.
L'intérieur du livre a lui aussi été travaillé : de petites théières découpent les différentes parties de chaque chapitre, et le début de ces derniers offre de jolies illustrations. En bref, avant même de le commencer, on prend plaisir à le regarder.


The Pink Tea Time Club, c'est l'histoire de Carlotta, de sa sœur Vivian et de sa meilleure amie Ruth.
Carlotta, mais soyez priés de l'appeler Lottie, est une jeune londonienne de bonne famille. Elle a l'âge de penser à se marier, fonder une famille et apprendre à gérer une maisonnée. Mais à la vérité, sa vie consiste surtout à critiquer les dernières modes vestimentaires (ainsi que leurs porteuses, cela va de soi) et lire des romans. La jeune fille, un brin écervelée, est une vraie tête à claques, gâtée et capricieuse, et pourtant, elle sait se rendre attachante au bout du compte. En fait, ne nous voilons pas la face, Lottie semble s'ennuyer ferme dans sa vie toute tracée et ennuyeuse.


Aussi, lorsque des monstres pointeront le bout de leurs tentacules, notre inconsciente Lady va y voir l'occasion de chambouler son insipide vie. Apprenant par le plus grand des hasards, évidemment (comme si la jeune femme avait le don de fourrer son nez partout voyons…), l'existence de portails vers des mondes parallèles, l'occasion devient trop belle de se divertir. Elle décide alors, dans sa grande mansuétude, de venir au secours de la population londonienne, ainsi qu'une lady de bonne éducation se doit de le faire. A moins que cela ne soit pour tromper son ennui et donner une touche d'originalité à son peu palpitant quotidien ?


Qu'elle que soit la raison, Lottie va entraîner dans son aventure (comme si elles avaient le choix) sa sœur et sa meilleure amie. Mais les convenances ne comportant pas l'étiquette « enquêtes surnaturelles », le trio va devoir opérer sous couverture, en fondant l'innocent « The Pink Tea Time Club ». Elles épauleront alors Mr Rabbit, censé veiller à ce que chaque créature reste chez soi. Commencera le début d'aventures rocambolesques pour notre jeune londonienne ô combien superficielle.


"_ Merci, Emily. Voici donc le livre dont nous parlerons aujourd'hui : Tess d'Uberville de Thomas Hardy, ajouta-t-elle pour faire illusion devant la gouvernante.
Sitôt que cette dernière fut partie, Lottie reposa l'ouvrage sur un guéridon. […]
_ Nous ne sommes pas ici pour causer littérature ou porcelaine, alors, s'il te plait, viens-en aux faits. Si aucune mission ne nous attend, je préfère rentrer m'occuper de la réception de ce soir, la coupa sa sœur, excédée de tout le temps jouer les nounous.
_ Eh bien, nous avons justement reçu un colis de Monsieur Rabbit."


Les personnages sont assez hauts en couleur : j'aime l'opposition entre les deux sœurs, Lottie qui semble ne trouver aucun intérêt aux convenances d'épouse et sa sœur aînée Vivian, fraîchement mariée et très impliquée dans son rôle de maîtresse de maison. Vivian est aussi posée et calme que Lottie est insouciante et extravagante. Exaspérée par sa sœur, l'aînée ne peut pourtant pas se résoudre à la laisser se fourrer dans les ennuis sans lui assurer sa protection. Ruth me semble un peu entre les deux : plus réfléchie et moins capricieuse que Lottie, elle ne résistera pourtant pas à l'idée d'aventure, du moins jusqu'à ce que son courage inexistant soit mis à l'épreuve.


"_ Ne t'en fais pas, lui répondit Vivian. […]. Il est bien évident que toute cette affaire ne nous concerne aucunement et que nous ne pouvons nous autoriser à aller nous compromettre de la sorte.
Elle finit sa phrase en roulant des yeux en direction de sa sœur. Lottie hocha la tête pour être tranquille, mais déjà mille idées fourmillaient dans son esprit. Elle se voyait, telle une grande enquêtrice, interroger l'écrivain, traquer le criminel dans des milieux douteux – pour la bonne cause bien sûr ! – et pourquoi pas, franchir un portail pour découvrir les Hautes Terres, cet univers sombre et périlleux."


Oui, notre jeune Lottie nous offre un manque évident de maturité, un penchant sérieux pour le goût du risque et un optimisme à toute épreuve. Bon d'accord, le courage n'est pas toujours au rendez-vous mais le cœur y est ! Heureusement, Vivian sera toujours là pour rééquilibrer la balance.
Eh oui, Lottie est un peu une poupée dans la bonne société londonienne : affublée de rose de la tête au pied, changeant de vêtements plusieurs fois par jour, elle est habituée à ce que l'on cède au moindre de ses caprices. En résumé Lottie s'intéresse à sa petite personne, à ses robes et à son apparence. Pourtant elle saura se montrer imprévisible et n'hésitera pas à courir au devant du danger, toujours bien apprêtée, cela va de soi !

Le dernier personnage clé est ce pauvre horloger, du nom de Monsieur Rabbit, qui nous fait un clin d'œil en début d'ouvrage à "Alice au pays des merveilles". Le jeune homme se retrouve affublé de Lottie bien malgré lui, et force est de constater que sa méconnaissance des femmes, surtout de celles du tempérament de la Lady, le laisse quelque pantois. Il ne sait comment réagir, mais n'osera pas dire non... Au final, peut-être que le trio infernal et inculte en ce qui concerne le surnaturel ne lui sera pas totalement inutile ? Mais tout de même, que pense Mr Elijah Rabbit de tout ça ? Et bien voilà qui résume à merveille la situation :


"Pour une fois, il avait vraiment besoin de l'aide des demoiselles, les montres à remonter n'étant qu'un subterfuge pour être tranquille – il leur confiait les portails qui ne présentaient plus aucun danger. »
Le voyage en fiacre fut des plus chaotique. Elijah s'était résolu à ce mode de transport pour ne pas avoir à subir les jérémiades des jeunes filles, peu habituées à la marche, surtout sous la pluie. Mais même ainsi, il avait dû souffrir les plaintes de Lottie dont les cheveux frisottaient à l'humidité de l'air. Vraiment, il ne comprenait pas cette femme qui par moments pouvait se montrer si ouverte et si intrépide, et à d'autres, se conduire comme une enfant gâtée et superficielle."


J'ai apprécié l'écriture, qui nous plonge bien dans l'époque victorienne et ses mœurs. Les personnages, d'un caricatural que je pense tout à fait voulu, sont aussi dans le contexte. Lottie est exaspérante et m'a fait lever les yeux au ciel plus d'une fois. Ce qui est le but dans ce texte, ne nous le cachons pas, car elle me faisait aussi mourir de rire. De même que sa sœur Viviane, qui, à l'inverse, me faisait rire par son côté psychorigide et qui devait être ennuyeuse à mourir !


Quelques clins d'œil sont glissés tout au long du roman avec des références à Oscar Wilde ou Jack l'éventreur (j'ai adoré cet épisode).


Ce livre aura tout de même eu un goût de trop peu, je pense que son côté particulier à fait que l'auteur ne voulait pas en faire un pavé (ce n'est pas le genre de livre qui pourra plaire à tout le monde), mais j'aurais aimé voir certains éléments plus développés (notamment au niveau des "méchants"). Pour autant, Cécile Guillot réussit le tour de force de nous faire comprendre son univers avec ses différentes dimensions et ses personnages en peu de pages.
La fin est toute mignonne, et ce livre m'aura fait passer un court mais bon moment plein de fraîcheur, d'extravagance, et de rire. Comme d'habitude, la plume de Cécile est douce et fluide et c'est un bonheur de la lire.