Un Monde pour Clara.
Auteur : Jean-Luc Marcastel
Editeur ; Hachette, collection Blackmoon
Parution : Octobre 2013
Pages 352
RESUME :
2027. En France. Après une catastrophe nucléaire succédant à tant d'autres, l'écologie est plus que jamais au centre des préoccupations. Les Enfants de Gaïa est une puissante secte extrémiste qui mêle discours écologiste et spiritualité. Diane, dont la jumelle Clara est morte suite à cette catastrophe, participe, avec son meilleur ami Léo, à l'une de leurs manifestations anti-nucléaire. Mais la marche pacifique tourne au combat de rue, et Diane, grièvement blessée, tombe dans le coma. Dix ans plus tard, la jeune fille se réveille. Pendant son sommeil, le monde s'est transformé. Les Enfants de Gaïa sont à la tête du pays. Ils sont tout puissants. Et ils ont fait de Néo Lutécia, construite sur les ruines de Paris, la cité écologique idéale. Diane y retrouve Léo, désormais lieutenant de la secte. Elle apprend qu'elle est devenue l'icône de la Révolution Verte, une incarnation vivante de Gaïa aux yeux de ses fidèles et découvre un nouveau monde bien loin de celui dont Léo et elle avaient rêvé…
CHRONIQUE :
(19 Novembre 2014)
"Je vais construire un monde plus beau... Un monde pour Clara..."
Un monde pour Clara est un roman sur lequel il y a beaucoup de choses à dire. En effet, la très belle plume de Jean-Luc Marcastel s'est épanchée pour nous faire réfléchir sur des sujets on ne peut plus importants. Voici donc une lecture que j'ai appréciée, sans pour autant que ce soit un coup de coeur. Appréciée car elle n'hésite pas à nous faire réfléchir sur des sujets telle que la dictature, l'extrémisme, les frontières entre vouloir le meilleur et vouloir le pouvoir. En revanche, niveau divertissement, il a manqué, à mon goût, de beaucoup d'action. Mais ne nous voilons pas la face, je l'ai lu en une journée...
Si vous tenez à en apprendre beaucoup sur l'intrigue je vous laisse le soin d'écouter l'interview de l'auteur dont la vidéo youtube est disponible ci-dessous. Je ne balaierai que les grandes lignes.
Nous sommes donc dans un univers particulier, puisque, contrairement à l'habitude, ici, la dystopie n'est pas clairement établie au début de ce livre. En fait ce livre, c'est la mise en place de cette dystopie. Point de vue pris par l'auteur que j'ai beaucoup aimé.
Diane vit donc à notre époque (je dirais quelques années plus tard), et la Terre telle que nous la connaissons, continue de souffrir sous notre impact. Dix ans auparavant eurent lieu plusieurs catastrophes, dont l'explosion d'une centrale nucléaire qui causa des milliers de morts. Parmi ceux-ci, la jeune Clara, la soeur de Diane. Et la mère de son ami Léo. En réaction, les gens se sont massivement tournés vers un parti écologique : "les enfants de Gaïa". Lors d'une manifestation de ce groupe, Diane sera interviewée et touchera le monde entier par son histoire, celle de sa soeur. Et surtout, Diane deviendra célèbre... filmée au moment où elle une balle anti-émeute l'atteignit.
"On avait pourtant été averti : Tchernobyl d'abord en 1986, puis Fukushima en 2011... Ca aurait dû suffire non ? Toutes les organisations écologiques avaient tiré la sonnette d'alarme et demandé la sortie du nucléaire pour un monde plus propre et plus sûr. Mais on ne les a pas écoutées. On s'est cru plus malins que les Russes, les Japonais..."
Dix ans ont passé et la jeune fille se réveille enfin d'un long sommeil. Pour se rendre compte qu'elle est devenue l'espoir d'un peuple, une icône pour un nouveau monde. Un monde pour Clara. Diane a été l'étincelle qui mit le feu au poudre, et, bien malgré elle, fut l'instigatrice d'un profond changement. D'abord émerveillée par ce soudain revirement de situation, ce respect magnifique envers la nature, Diane se rendra compte que tout n'est pas si édulcoré que l'on veut bien lui faire croire. Et si elle, l'icône de tout un peuple, n'était en fait que le pantin d'une terrible mascarade?
Je ne vous cacherai pas que l'élément perturbateur est pour moi un peu léger. Une fille qui émeut le monde et se prend une balle, je doute que cela suffise à amener les changements opérés en l'espace de seulement dix ans. Mais, après tout, qui sait ?
Pour autant, ce livre est réellement réfléchi, l'auteur s'est visiblement énormément impliqué pour pouvoir nous livrer ces idées, ces thèmes qu'il voulait partager. Même le prénom de l'héroïne n'est pas anodin, Diane étant, pour ceux qui ne s'intéressent pas à la mythologie, le nom d'une déesse romaine protectrice de la nature. Quant au séquoia (vous comprendrez pourquoi je parle de lui), il est symbole de sagesse et longévité.
Juste un petit mot sur les personnages qui ne sont pas le point fort, pour moi, de ce roman. Diane ne me fait ni chaud ni froid, elle est énervante à accepter si facilement sa condition, puisqu'on lui offre le confort sur un plateau. Au début elle ne se pose pas de question, preuve de faiblesse à mon sens, mais faiblesse ô combien humaine. En même temps, elle est habilement manipulée. De plus, la plume, à la troisième personne du singulier, ne nous permet pas d'approcher Diane au plus près, de mieux l'appréhender pour mieux l'apprécier. Là encore, je pense que c'est un choix de l'auteur.
"L'ivresse de se sentir adulée par ces milliers de regards et d'esprits, ces coeurs qui, l'espace d'un instant, ne battaient que pour elle, était intacte... Une drogue, mais une bonne, qu'elle pouvait utiliser pour faire le bien."
Léo n'arrivera pas non plus à m'attendrir, et plus le livre a défilé, plus il m'a énervée ! Quant au Géophile, son rôle est parfait, il représente la personne détestable par excellence, le dictateur en puissance. Dès ses premiers mots, on sent le miel dégouliner de ses lèvres, les flatteries sortir avec un naturel déconcertant... (un vrai homme politique quoi... ok je sors).
La première partie du roman appuie énormément sur la politique et notamment sur la dictature. L'auteur nous montre qu'on ne voit pas arriver les dictateurs à des kilomètres. Que les meilleures attentions du monde peuvent créer les pires situations. Que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Car même une cause aussi noble que la protection de la Mère Nature, de Gaïa, peut apporter avec elle une véritable dictature. Manipulation de masse, embrigadement des enfants, contraintes à respecter, châtiment dans des camps... La dictature n'a pas besoin de revêtir le rouge et le noir pour être à notre porte. Même parée de lierre et de vert, c'est le mensonge qui la crée. Comme on dit, l'habit ne fait pas le moine...
Car comment délimiter le bien du mal, le trop du pas assez ? Chercher le respect de l'environnement et l'harmonie est une noble cause, mais où doit-elle s'arrêter ? Que dire dès lors que, au nom de Gaïa, tous les médicaments sont proscrits ? Que les gens meurent d'une simple grippe ? Evidemment les règles de Gaïa mènent à bien d'autres privations, mais cela, je vous laisse le découvrir, JL Marcastel faisant le tour de la question de manière réfléchie et pertinente.
Dans tous les cas, ce livre fait partie de ces ouvrages qui portent à réfléchir, et celui-ci me marquera longtemps. Une lecture originale, abordant des thèmes importants de manière pertinente, mais où, au niveau du déroulement de l'action, un manque se fait sentir. Beaucoup de remises en question, une jeune fille qui culpabilise, bref un livre axé sur la prise de conscience et non sur l'action.
"Il brandit un poing serré.
_Mais nous étions prêts, Diane, nous,les chevaliers de Gaïa, étions prêts à donner nos vies pour le rêve qui était le nôtre...Celui d'une Terre meilleure, d'une Terre propre pour nos enfants et tous ceux qui viendraient après nous, une Terre où les hommes et les animaux vivraient en harmonie dans les bras de Gaïa. "